- H A Ï K U S - 2003/2004 –

- Claude GUIBBERT -

Fond d'écran original de l'auteur – extrait de RUBANISMES -



Hêtre majesté
Tu m'obliges à m'incliner
Aux pieds des ancêtres.

Mille flamants roses
Sur le miroir de Camargue;
Mirage! Deux mille.

Un rond de jonquilles
Fête son anniversaire;
Douze bougies jaunes.

Chaque chêne-liège
Doit ôter son pantalon
Sans se déchausser.

Le setter fébrile,
Odeur de graisse à fusil,
Parle aux courants d'air.

Micocoulier nu
Pachyderme spectateur
Du cirque d'hiver

La neige a poussé
Au soleil, de bonne grâce
Sur mon cerisier.

Un vieil olivier
Sous la brise encore tiède
Berce ses petits.

Le gel nous concocte
Des stalactites de glace
Armes de débâcle.

Au bar du printemps
En l'honneur des primevères
Viens, je t'offre un vers

Fou de grues cendrées
A rendez-vous de nulle part
Et oublie le temps.

Ô! Dieu des ronds-points
Jardinier des gabegies;
Le Nôtre a le sien.

Gracile jonquille
D'un œil de cyclone tu guettes
En hochant la tête.

Sillon du tracteur
Plagiant un chemin de fer
Vaches broutent en train.

Un ruban de brumes
Vient d'épouser la vallée;
Noces d'ambroisie.

Mimosas en fleurs
Cheveux blonds de la cousine
Que j'aime en brassées

Va savoir pourquoi
Dès lors que la lune passe
Tous les chiens aboient?

Mon chien s'est blessé,
Dérapage sur la page
D'un haïkaï.

Très haute tension,
Une portée de corneilles :
Notes du solfège.

Papillon pressé,
Un éphémère haletant
N'a jamais le temps.

Les titans d'hiver
Ont poussé le Canigou
Sur l'étang qui fume.

Tenue de printemps
Une vigne coquette a
Chaussé ses socquettes

Depuis hier matin
Quelques couples de tulipes
Dansent sous le vent.

D'abord les violets,
Deux mois d'iris devant moi,
A la fin les jaunes.

Un lis clarinette
Évoque Sydney Bechet,
Sa petite fleur.

En défloraison
Des larmes éléphantesques
Tu verses tulipe.

Pivoine ô! Pivoine,
Bravons l'interdit d'aimer,
Inventons l'hymen.

Mistral des pinèdes
Courbe la cime docile
Des pins de Panurge.

Rythmé au soleil
Un flamenco de tulipes
Implore le ciel.

Fouler l'herbe aux pieds
Aller dévisser les pommes :
Dessein d'Asmodée.

L'écureuil glaneur
Du planteur s'attire l'ire
Pour sa tirelire.
*


La nature danse,
Son air fait valser les branches
Et l'herbe onduler.

Figues de septembre
Dessinées par le soleil;
Croquis à croquer.

Si le potager
S'associe au poulailler,
Festin régalien.

Quand cesse la pluie
Les grappes de raisins mûrs
Pleurent de bonheur.

Au creux du verger
Sur l'épais kilim d'humus
Une pêche choit.

Éden égaré
Vecteur de félicité
Et d'égarements.

La haie de bambous
Où perchent les escargots
Sans savoir pourquoi.

Closerie intime
Ton sein est indescriptible
Sauf un séquoia.

Course dans le ciel
Un cyprès double un platane;
Folle tramontane.

Cent sillons lustrés
Mille miroirs au soleil :
Décor de charrue

La verte prairie
Son regain de foin séché :
Un art éphémère.

Mon amie la taupe
Ne verra jamais la lune;
Pauvre « tourne-sol ».

Une fois par an
Sur un flot de chrysanthèmes
Voguent nos pensées.

Cerné de béton
Ce domaine luxuriant
Provoque la ville.

On l'a torturé
Le voilà canon dans l'art
Topiaire pour plaire.

Collé contre toi
On entend battre ton coeur,
Monumental chêne.

Amant de Bretagne
Peintre sort ton chevalet
Et bat ta compagne.

Proche des lilas
Un arbre de Judée mauve
Confond ses pétales.

Jardins familiaux,
On y cultive le sol
Et la sympathie.

Un jeune lézard,
Qui se ressemble s'assemble,
Vieux mur lézardé.

Criblée de soleil
La rose trémière rose,
La vache qui fume.

Au pré d'Eugènie
Chef-d'œuvre de végétaux,
Jardin de génie.

Novembre en forêt
Se déshabille en silence;
L'arbouse rougit.

Le temps est venu
De traire les oliviers;
Lait d'ambre au moulin.

Mécontents du vent
Les iris restent couchés;
Grève sur la grève.

Un pied de lavande
S'est vautré sur un muret
A trois pas du chat.

Autour de minuit
Sachez bien qu'un potiron
Pleure Cendrillon.

Au bout de la nuit
Le coq revient prohiber
L'opium du sommeil.

Paix dans la campagne
Chien et chat entrelacés;
Le silence gagne.

Sur un lit de roses
Fleurissent les jardiniers
Concupiscemment.

Enclos poulailler
Sérail de proximité
Non loin du cyprès.
*

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Claudeguibbert@yahoo.fr